La Petite Histoire Du Chanvre
Premier pavé dans la mare des idées reçues, le chanvre n’a donc pas été découvert par les adeptes de la love génération mais par l’homme de Néandertal. C’est l’une des 1ères plantes domestiquées au Néolithique il y a plus de 10 000 ans, certainement en Asie et en Europe Centrale. Sa culture a ensuite conquis tous les continents au rythme des migrations de l’homme, qui ne pouvait déjà plus se passer des nombreux usages de ses fibres solides, de ses graines oléagineuses nourrissantes et des propriétés médicinales de sa résine, le cannabis. Après avoir voyagé de continent en continent, le chanvre séduit les hommes de génération en génération. On a ainsi retrouvé une trace écrite de son utilisation médicinale datant de l’Egypte Antique et dans le plus ancien traité de matière médicale chinois ! Mais pas de boulette, n’oublions personne : le cannabis était aussi très utilisé dans la Grèce antique, notamment pour des fumigations collectives.
Quelques siècles plus tard, la petite histoire du chanvre rencontre la grande, l’histoire maritime des grandes puissances européennes. Si dès le moyen-âge, Charlemagne encourage sa culture et son usage textile, c’est véritablement aux XVIIème et XVIIIème siècle que la plante prend son véritable essor en même temps que celui des échanges maritimes intercontinentaux. À la tête de navires propulsés par la seule force du vent, les monarques du vieux continent se disputent la suprématie navale et le contrôle des points de passage stratégiques. Cordages, câbles, échelles, haubans et voiles… Ces monstres des mers utilisent chacun entre 66 et 88 tonnes de chanvre par an. La plante est donc à l’époque un matériau aussi stratégique que le fut le charbon à la révolution industrielle et le pétrole aujourd’hui.
Après cet âge d’or, le chanvre va ensuite connaître le creux de la vague à partir de la 1ère moitié du XXème siècle. Concurrencée dans le textile par les fibres exotiques (jute, sisal…) et synthétique (nylon) d’une part, et de l’autre dans l’industrie papetière par le bois, la plante qui fait rire, ne rit plus du tout.
Mais alors qu’elle s’apprête à tirer sa révérence, drapée dans une fierté aussi solide que ses fibres textiles, la plante va connaître un nouveau printemps. Dans les années 1960, l’INRA et la Fédération nationale des producteurs de chanvre créent un programme de sélection variétale. Sa mission ? Donner naissance à des nouvelles variétés aux meilleures capacités de reproduction et à plus faible teneur en THC*. Bingo ! En supprimant les problèmes de fertilité du chanvre et en coupant l’herbe sous le pied des détracteurs de son usage psychotrope, ces travaux relancent sa culture agricole dans plusieurs pays européens. À partir de 1971, elle est même encouragée financièrement par la CEE.
Nouvelle rencontre de la petite histoire et de la grande, après l’essor maritime c’est celui des préoccupations environnementales qui va définitivement remettre le chanvre sur le devant de la scène européenne. Naturellement résistante aux maladies et aux parasites, sa culture est peu exigeante et la place vite au rang des plantes écolos qui ont de l’avenir. Ainsi, depuis la fin du XXème siècle, le développement des filières chanvre est en pleine croissance : habitat, bio-carburants, alimentation, textile (la préparation des fibres de chanvre est très proche de celle du lin). Entre 1996 et 1999, les superficies cultivées qui lui sont dédiées dans l’UE font plus que doubler, passant de 13,7 à 32,3 milliers d’hectares. En France, elles oscillent entre 9 000 et 14 000 hectares par an depuis 2009. La culture du chanvre y est réglementée et doit se faire sous contrat et en utilisant des variétés spécifiques pour éviter un usage psychotrope.
Voilà, le chanvre, c’est l’histoire d’une plante qui a vécu trop de haut et de bas pour ne pas savoir rire de la vie et planer un peu au dessus de temps en temps. Et vous, vous avez maintenant la preuve que l’on peut parler du chanvre pendant 10 000 ans sans citer le macramé ou Bob Marley, ou presque !
Source: blogresonnances